Le jour venu, Patrick est arrivé devant son banc, habillé d’un costume. Il s’est assis et ne s’est pas arrêté de parler.
Il lui fallait tourner une page sur sa vie de la rue, faire table rase.
A quoi pensais tu , sur un banc ?
A quoi rêvais tu , sous ta parure de carton ?
Tu essayais de retenir la châleur
Du fond d’une nuit solitaire
Déchirée le matin par le bruit diésel
D’un car de ramassage
Des sortants du lit.
Sous tes cartons, toi !
Sous tes cartons , tes souvenirs
Ensevelis, enrobage de mémoire !
Les souvenirs, tu te souviens !
Les soirées, les vacances
Au lit les enfants… au lit
Les insouciances, sans alarme de détresse
Sans assurance sur l’avenir.
Tu les tenais, tes souvenirs
Dans tes bras, dans ton coeur
Comme petit homme tu serrais ta peluche.
Tu les cachais aux regards des vivants
Des vivants qui s’autorisent le droit à la moralité
T’inondant les tympans de
« Si tu nous avais écouté, on t’avait prévenu ! »
Tu fuyais ces regards d’un autre monde
Ces regards d’une tristesse naissante
Balbutiant quelques sourires.
Quelques détours de tête.
Quelque monnaie de leur conscience.
Tu es mon frère que j’ai quitté un jour.
Mon frère sculpté dans mon coeur
Dormait d’une longue nuit silencieuse.
Vous avez dit : je m’en vais
Partir pour six années de repos.
Rejetés vivants, bannis dans la mort
Interdits des beaux quartiers des cimetières.
C’étais ma frangine, rien qu’une féminine
Lavilliers l’avait fait rimer
Elle se mettait du rouge aux lèvres
Lorsqu’elle y portait le goulot.